Les 6ème journées de l’infrastructure de recherche OZCAR ont eu lieu du 7 au 10 mars 2022 en Ardèche au domaine Lou Capitelle (https://www.loucapitelle.com/) situé à Vogüé (Sud Ardèche). Près de 120 personnes ont participé à ces journées, 85 sur place et une 30aine en visioconférence.
Le thème de ces journées : « Sédiments et contaminants ».
Ces journées ont permis d’aborder plusieurs points:
- Un bilan des activités menées dans l’IR OZCAR sur l’année écoulée
Un focus scientifique sur le thème « Transport sédimentaire et contamination » avec deux grands témoins: Emma Rochelle-Newall (Laboratoire iEES à Paris), spécialiste en géomicrobiologie et Gilles Brocard (Laboratoire Archéorient, Lyon), géomorphologue. - Le bilan des projets lancés depuis 2019 dans le cadre du WP4 Thèmes transverses sous forme de présentations ou de poster et la présentation et la discussion des propositions reçues en réponse au nouvel appel à idée 2022
- La visite de terrain du site Olivier de Serres de l’Obervatoire HydroMétéorologique Cévennes- Vivarais (OHMCV – https://ohmcv.osug.fr/Bassins-Olivier-de-Serres).
- Un focus sur l’actualité internationale, avec une présentation du réseau des jeunes scientifiques se la zone critique, du site « zone critique agricole » de l’Université de Leeds par le Pr Steven Banwart et une intervention de Michael Mirtl, porteur de l’IR européenne eLTER RI sur les dernières avancées de la construction de l’IR concernant les « observations standard » et la catégorisation des sites.Un atelier autour de la catégorisation des variables mesurées dans la zone critique, en fonction de leur importance a clôturé les journées.
- La remise du 4ème prix des OZCAR qui a récompensé deux publications. La première est portée par Chloé Ollivier (CESBIO) autour de la modélisation parcimonieuse de l’évapotranspiration et de la recharge des nappes. La seconde est portée par Paty Nakhle (GET, Toulouse) et porte sur la mise en évidence des liens entre transport de matière en suspension, usage des terres et contamination fécale au Laos.
Les grands témoins
Le thème des journées « Sédiments et contaminations » a donné lieu à deux interventions par les grands témoins invités.
La 1ère grand témoin, Emma Rochelle Newall, du laboratoire iEES, Paris est spécialiste de l’écologie des bactéries hétérotrophes en milieu tropical. Emma a donné un éclairage sur la manière dont les sédiments et leurs interactions avec les pollutions impactent la santé des écosystèmes et des hommes, avec une illustration par des travaux menés dans l’observatoire M-TROPICS au Laos.
La présentation d’Emma Rochelle Newall :
Le 2ème grand témoin, Gilles Brocard, géomorphologue au laboratoire Archéorient à Lyon, a axé sa présentation sur l’héritage long terme dans la production des sédiments dans les bassins versants, retraçant 5 années de travaux menés sur le Critical Zone Observatory (CZO) de Luquillo à Porto-Rico, dont le fonctionnement est fortement impacté par les cyclones tropicaux.
La présentation de Gilles Brocard:
La présentation de bilan des activités de l’IR OZCAR par les coordinateurs a essentiellement porté sur les actualités récentes de la construction de l’infrastructure européenne de recherche eLTER RI : portefeuille de services, observations standards et catégorisation des sites, ainsi que sur le bilan du séminaire prospectif OZCAR 2.0, organisé en distanciel début janvier 2022, et visant à définir les ambitions pour l’IR OZCAR pour les cinq années à venir. Il s’agit notamment de faire émerger des sites permettant de déployer une approche systémique et pluridisciplinaire de l’étude de la zone critique, et permettant de positionner certains sites français dans une trajectoire européenne. Fatima Laggoun (CNRS/INSU), en visioconférence, a rappelé l’importance du travail de colocalisation de sites avec d’autres infrastructures nationales de recherche telles que l’IR RZA mais aussi ACTRIS, ICOS, AnaEE, ainsi que celles du développement de variables standard.
La présentation du bilan d’activités de l’IR OZCAR :
La première journée a aussi permis de dresser un bilan des 3 groupes d’activités (WP1, WP2, WP3). Elle a aussi permis d’introduire les nouveaux responsables des WP2 (Interface données modèles) et WP3 (Instrumentation). Damien Jougnot, géophysicien à METIS, Paris et Eliott Chaton, géochimiste à Géosciences Rennes, qui forment un duo complémentaire géochimie/géophysique sont les nouveaux responsables du WP3 et remplacent Laurent Longuevergne, coordinateur du projet « TERRA FORMA ». Jean Marçais, hydrologue à Riverly, Lyon, remplace Florence Habets sur le WP2. Les discussions engagées par chacun des WP ont porté à chaque fois sur l’évolution des pratiques et les développements à réaliser pour mieux fédérer la communauté.
La dernière présentation de la journée a porté sur le PEPR « FairCarboN » (40 M€, 2021-2025), un des 4 projets retenu dans le cadre de la 1ère vague de l’appel à projets sur les PEPR exploratoires créées par le 4ème programme d’investissement d’avenir (PIA4). Ce programme exploratoire vise à identifier des leviers écologiques, agronomiques et socio-économiques et scénarios de trajectoires pour atteindre la neutralité carbone et restaurer les ressources naturelles dans les écosystèmes territoriaux. Un des enjeux du projet sera notamment de mettre à disposition de la communauté scientifique des modèles numériques validés sur des jeux de données ouverts. Une meilleure compréhension de la dynamique du carbone dans les écosystèmes continentaux va également permettre de sensibiliser efficacement les porteurs d’enjeux et de concevoir les politiques publiques adaptées.
La 2ème journée a été essentiellement consacrée aux thèmes transverses (WP4), avec un bilan des thèmes transverses financés les trois dernières années sous forme d’une séance poster et de présentations pour les thèmes : flux particulaire, flux dissous, taux de dénudation au Be10 et GEACOS (C. Legout, J. Bouchez, V. Regard, A. Simonneau), ainsi que le projet DEDMOS sur la caractérisation des sols (Priscia Oliva) et celui sur la gravimétrie et l’estimation de l’évapotranspiration (Simon Carrière/Nolween Lesparre). Lors de cette journée, une dizaine de nouveaux projets de thèmes transverses ont également été présentés et discutés.
La journée de terrain
Mercredi, départ avec 3 mini-bus et les paniers repas pour la visite des bassins instrumentés « Olivier de Serres » de l’Observatoire Hydrométéorologique Méditerranéen Cévennes-Vivarais (OHMCV/OZCAR IR – http://www.ohmcv.fr/) organisé par les représentants de l’observatoire et collègues de l’IGE, Grenoble, Brice Boudevillain, Guillaume Nord et Cédric Legout, en collaboration avec l’Institut Olivier de Serres – https://www.institut-olivier-de-serres.fr/ et le CERMOSEM, plateforme de recherche et de formation axée autour du développement territorial rattachée à l’Institut d’Urbanisme et de Géographie Alpine et au laboratoire de recherche PACTE.
Le site instrumenté « Olivier de Serres » est composé de 3 bassins versants emboités, Gazel (3 km²), Claduègne (43 km²) et Auzon (116 km²) dans le département de l’Ardèche, à quelques kilomètres à l’Est d’Aubenas. La région est principalement rurale et les activités dominantes sont l’agriculture et le tourisme. Le site « Olivier de Serres » a été initialement instrumenté en 2011 pour comprendre les phénomènes de crues soudaines dues aux pluies intenses (programme « HyMeX » (2010-2020) et projet « Floodscale » (2012-2015)). Les suivis physiques (pluie, sol, rivière, érosion) ont progressivement été complétés par les suivis géochimiques dans le cadre de l’infrastructure OZCAR et de la ZABR (Zone Atelier Bassin du Rhône) pour une meilleure compréhension des chemins de l’eau (notamment les écoulements de surface/subsurface). L’objectif est double : comprendre le fonctionnement de la zone critique et répondre aux enjeux de gestion durable des ressources en eau et en sol.
Arrivés au domaine Olivier de Serres, 3 visites en sous-groupes étaient prévues : un parcours de découverte de l’illustre écrivain, philosophe, ingénieur et agronome Olivier de Serres (par Olivier Vidal, responsable de l’Institut Olivier de Serres), la visite de la ferme expérimentale caprine (par Pierre Ulrich, directeur de la ferme) et la visite de l’instrumentation hydrologique et météorologique à proximité du Gazel (par Guillaume Nord et Brice Boudevillain).
Olivier de Serres, père de l’agriculture moderne
Olivier de Serres (1539-1619) est né à Villeneuve de Berg et a dirigé la ferme du Pradel. Il est considéré comme l’un des créateurs de la science agronomique française ouvrant la voie de la science agricole moderne et de la sériciculture en France. Son important ouvrage, Le Theatre d’agriculture et mesnage des champs, publié en 1600, véritable manuel d’agriculture, a été lu par des générations d’agriculteurs.
La ferme expérimentale caprine
La station hydrosédimentaire au domaine Olivier de Serres
Les mesures réalisées en continu à la station hydrosédimentaire sur le Gazel sont les suivantes : hauteur de l’eau (sonde de pression, échelle limnimétrique, caméra vidéo) pour l’estimation des débits, conductivité électrique, température de l’eau, turbidité, concentration en matières en suspension grâce à un système de prélèvement de l’eau de rivière qui permet également des analyses chimiques (notamment la concentration en ions majeurs) et isotopiques (isotopes stables de la molécule d’eau).
Et celles de la station pluviométrique près du Gazel (ne se réduit pas aux mesures isotopiques) : intensité et cumuls des précipitations (pluviomètre), nombre, taille et vitesses de chute des hydrométéores (disdromètre), isotopes stables de la molécule d’eau (système de prélèvement de l’eau de pluie).
Les présentations de l’après-midi
L’après-midi a été consacrée à différentes présentations relatives aux recherches menées sur les contaminants et pollutions diffuses : projet ANR CHYPSTER & IDESOC (ZABR) portant sur les recherches de sources de contaminants (par Marina Coquery), ainsi qu’une cartographie des sources potentielles de pollutions diffuses en milieu agricole (par Pauline Dusseux et Nicolas Robinet).
Puis deux autres présentations ont porté sur les résultats de caractérisation hydrochimique des eaux du Gazel et de la Claduègne, ainsi que ceux de la modélisation des temps de transit dans la Claduègne.
Temps d’échanges avec les acteurs locaux
La journée s’est clôturée avec les interventions de représentants de deux structures locales, l’ETPB Ardèche Claire (Etablissement Public Territorial Ardèche Claire – 11 communautés de commune et d’agglomération) et le Conservatoire d’Espaces Naturels. L’EPTB du bassin versant de l’Ardèche assume la compétence GEMAPI (Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations) et possède 40 ans d’expérience en matière de gestion de l’eau sur le bassin versant de l’Ardèche (gestion des rivières, prévention des inondations, biodiversité). Le Conservatoire d’Espaces Naturels Rhône-Alpes, créé en 1988, agit depuis plus de 25 ans pour la préservation de la biodiversité alpine (https://www.cen-rhonealpes.fr/).
Si l’usage de l’eau sert des besoins essentiels à la population locale (alimentation en eau potable, agriculture, production d’électricité), il permet aussi le développement économique de la région avec les nombreuses activités de loisirs autour de l’eau (canoé kayak, spéléologie). Il ressort de ces temps d’échange que l’enjeu est aussi de favoriser le dialogue et les collaborations entre ces acteurs locaux et les scientifiques et mettre en place des actions destinées à optimiser la gestion et la politique publique de l’eau et la préservation de la biodiversité
La cérémonie des OZCAR
Pour clore la journée, le soir était le moment privilégié de la remise du prix des OZCAR qui a vu cette année l’attribution de 2 prix OZCAR aux lauréates Pathy Nahle et Chloé Ollivier. A défaut de pouvoir être présentes physiquement, le prix a été remis en ligne à Chloé Ollivier et à Laurie Boithias qui représentait Paty Nakhle.
Chloé Ollivier, Dr en hydrogéologie, a réalisé sa thèse à Emmah, Avignon. Elle est postdoctorante au CESBIO depuis 2020, où elle mène des recherches sur l’assimilation des données de télédétection à haute résolution pour la gestion des eaux agricoles dans la région méditerranéenne. Elle est récompensée pour la publication : « An evapotranspiration model driven by remote sensing data for assessing groundwater resource in karst watershed » – Science of the Total Environment – https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2021.146706
Paty Nakhle, Dr en sciences de l’environnement, titulaire d’un doctorat au GET Toulouse portant sur la caractérisation du devenir et du transport des bactéries pathogènes dans le bassin versant tropical du Mékong au Laos, est enseignante à l’Ecole d’Ingénieurs de Purpan, Toulouse, depuis 2021. Elle est récompensée pour la publication : « Effects of hydrological regime and land use on instream Escherichia coli concentration in the Mekong basin, lao PDR » – Nature – https://doi.org/10.1038/s41598-021-82891-0
Photo des prix OZCAR 2022 (Laurie Boithias et Jérôme Gaillardet)
La zone critique et l’international, eLTER RI et OZCAR 2.0 suite
Le jeudi matin était consacré aux actions à l’international de l’IR OZCAR. Sylvain Kuppel a présenté l’initiative « Young critical zone scientists », qui se concrétise notamment par l’organisation de l’atelier Zone Critique et de webinaires connexes, organisés annuellement depuis 2019, en marge de l’AGU Fall meeting. Cette initiative constitue une ressource de leçons et de bonnes pratiques, encourage le partage de résultats scientifiques/données et modèles, établit des normes pour la science ouverte et encourage les collaborations entre réseaux internationaux de la zone critique.
Puis Steve Banwart, Pr au Global Food and Environment Institute-GFEI de l’Université de Leeds, a présenté la ferme expérimentale de Leeds (Smart Farm) dont l’objectif est de mener des programmes de recherche collaboratifs entre des partenaires académiques et industriels pour relever les défis de l’agriculture moderne dans le contexte des changements globaux. Dans ce cadre, un observatoire disposant d’une riche instrumentation et d’outils de recherche (systèmes d’informations pour le partage de données) a été développé pour favoriser le développement d’une approche globale (whole system approach) en matière de recherche de pratiques agricoles et d’élevage plus durables.
Notre grand témoin européen, Michael Mirtl, a présenté les dernières évolutions sur les catégories de sites labellisés dans l’infrastructure européenne eLTER RI.
Atelier Ozcar 2.0
» Quelles observations pour une étude holistique d ela zone critique ? «
Pour terminer ces journées, les participants ont été invités à catégoriser un ensemble de variables mesurées dans l’IR OZCAR ou proposées par eLTER en variables qu’ils considèrent comme indispensables, recommandées ou expertes, en distinguant ce qui relevait d’un suivi régulier d’une caractérisation du site. Cet atelier a eu lieu sous forme de MURAL pour les participants à distance et sur table pour les participants en présentiel. Au-delà du résultat, c’est le dialogue instauré entre les disciplines sur la pertinence des différentes variables proposées qui était instructif, révélant les différences d’appréciation sur l’importance d’une variable en fonction des disciplines.
Au plaisir de nous retrouver aux prochaines journées annuelles OZCAR et un grand merci à l’ensemble des intervenants et aux collègues de l’IGE Grenoble (Guillaume Nord, Brice Boudevillain, Cédric Legoût), du CERMOSEM (Nicolas Robinet, Pauline Dusseux), ainsi qu’aux représentants du Pradel (Institut Olivier de Serres, ferme caprine) pour l’organisation de la visite de terrain.
L’Equipe OZCAR.
Les informations détaillées sur les journées:
Le programme & les présentations : cliquer ici
Le programme court des journées : cliquer
Le programme détaillé est visible ici.
Le livret de la visite de terrain : Ouvrir
Les présentations et ateliers : Ouvrir
Crédits photos : © Hubert Raguet